Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/490

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censuré ; l’incestueux ne semble pas l’avoir obtenue, puisqu’il a été condamné. Si c’est à celui pour lequel il redoute l’amertume de la tristesse que l’Apôtre pardonnait, l’orgueilleux qui a été repris courait encore le risque d’être consumé par le chagrin, puisque les menaces et les réprimandes étaient bien faites pour l’accabler. Il n’en va pas de même du condamné. Par sa faute, par sa sentence, il était censé anéanti : il n’avait point à s’attrister, mais seulement à souffrir le supplice sur lequel il aurait pu pleurer avant son châtiment.

En second lieu, si le criminel obtenait son pardon, pour que nous ne fussions pas frustrés par Satan, c’était dans la personne de l’orgueilleux que l’Apôtre cherchait à prévenir cette perte, parce qu’il n’était point encore perdu : on ne prend pas de précautions contre un fait accompli, mais pour un fait qui peut s’accomplir. Le condamné, au contraire, déjà la proie de Satan, était perdu pour l’Église, au moment où il commettait un crime si abominable, à plus forte raison, lorsqu’elle le répudiait de son sein. Comment donc Paul aurait-il pu craindre la perte d’un homme qu’il avait déjà livré à sa perte en le retranchant, et qu’il ne pouvait pas conserver, puisqu’il l’avait condamné ?

Enfin, où convient-il que le juge se montre indulgent ? Est-ce lorsqu’il a prononcé une sentence décisive, ou bien quand il a différé la sentence, surtout un juge qui n’a point coutume de réédifier ce qu’il a détruit, de peur de passer pour un prévaricateur ? Réponds-moi donc ! si la première Epître n’avait pas contristé tant de personnes ; si elle n’avait réprimandé personne, épouvanté personne, se bornant à frapper l’incestueux ; si elle n’avait ni intimidé ni consterné aucun orgueilleux sur la gravité de sa faute, au lieu d’investir du pardon le fornicateur incestueux, ne serait-il pas plus sûr et plus raisonnable de conjecturer qu’alors, parmi les Corinthiens, il s’en trouvait quelqu’un qui, réprimandé pour le même motif, effrayé et plongé dans la douleur, reçut ensuite le pardon d’une faute qui permettait le