Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/66

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caractère distinctif. S’il y a un Dieu, il faut que ce caractère soit unique, pour n’appartenir qu’à un seul. Ou bien, qu’y aura-t-il d’unique et de singulier, sinon l’être auquel rien ne se compare ? Qu’y aura-t-il de sur-éminent, sinon l’être qui domine sur toutes choses ; sinon l’être qui est avant toutes choses et de qui procèdent toutes choses ? Dieu est le seul qui possède ces attributs, et en les possédant seul, il est un. Qu’un autre les possède, il y aura dès-lors autant de dieux qu’il y aura d’êtres possédant ce qui caractérise un Dieu. Hermogène introduit donc deux divinités. Il fait la Matière l’égale de Dieu. Il faut nécessairement que Dieu soit un, parce que Dieu est l’être souverainement grand ; or, il n’y a d’être souverainement grand qu’autant qu’il est unique ; l’être auquel on donne un égal cesse d’être unique, et la Matière devient l’égale de Dieu, lorsqu’on la fait éternelle.

V. — Mais Dieu est Dieu ; la Matière est la Matière, répond Hermogène. — Gomme si la diversité des noms empêchait l’égalité, puisque l’essence fondamentale est la même ! Que la nature et la forme diffèrent, peu importe, si la substance est identique. Dieu n’a jamais pris naissance. La Matière n’est-elle pas comme lui étrangère à la naissance. Dieu a toujours été. La matière aussi n’a-t-elle pas toujours été ? Tous deux sans commencement, tous deux sans fin, tous deux principes de l’universalité des êtres, aussi bien celui qui a produit que celle avec laquelle il a produit. Car la Matière ne peut pas ne pas être l’auteur de toutes choses, puisqu’elle a fourni sa substance à l’universalité des êtres.

Que répondra Hermogène ? Dira-t-il que la matière, tout en ayant quelque chose de Dieu, ne peut pas être assimilée à Dieu, parce que ne possédant pas la plénitude de la Divinité, elle répugne à la plénitude de la comparaison ? Mais qu’a-t-il laissé de plus à Dieu, pour qu’il semble n’avoir point accordé à la Matière tout ce qui constitue Dieu ?

La Matière, replique-t-il, se gouvernera de telle manière,