Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/69

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sera plus grand, plus élevé que tous. De même que tous les êtres qui naissent et finissent, et par là même ne sont pas éternels, puisque le caractère de l’éternité, c’est de n’avoir ni commencement ni fin, comportent dès leur origine ce qui répugne à un Dieu, je veux dire la diminution et l’abaissement, parce qu’ils sont nés ou qu’ils ont été faits, de même Dieu les repousse invinciblement, parce qu’il n’a pas pris naissance et qu’il n’a pas été fait. Or, telle est l’essence de la Matière. Par conséquent, ces deux êtres, éternels, puisqu’ils n’ont jamais pris naissance et n’ont jamais été faits, Dieu et la Matière, possédant également, en vertu de la communauté de leur essence, ce qui ne comporte ni diminution ni abaissement, l’éternité, en d’autres termes, nous déclarons que l’un n’est pas plus petit ou plus grand que l’autre ; que l’un n’est pas plus élevé ou plus abaissé que l’autre, mais qu’ils sont tous les deux également grands, également élevés, également heureux de ce bonheur parfait et inaltérable qui s’appelle l’éternité. Nous ne ressemblerons pas en effet aux nations qui, toutes contraintes qu’elles sont de confesser un Dieu, ne laissent pas néanmoins de le placer au-dessous des autres. La divinité n’admet pas de degré, puisqu’elle est unique. Si elle se trouve dans la Matière, par la raison qu’elle est incréée, n’a jamais été faite, et possède l’éternité, la divinité se trouvera des deux côtés, attendu que nulle part elle ne peut être inférieure à elle-même. Comment alors Hermogène ose-t-il établir des distinctions ? Comment ose-t-il soumettre la matière à Dieu, celle qui est éternelle à celui qui est éternel, celle qui est incréée à celui qui est incréé ; celle qui est auteur à celui qui est auteur, celle qui peut dire : Et moi aussi je suis la première ; je suis avant toutes choses, et c’est de moi que dérivent toutes choses. Nous sommes égaux, nous avons existé ensemble, tous deux sans commencement et sans fin, tous deux sans auteur, tous deux sans Dieu. Quel Dieu donc m’asservit à un Dieu contemporain, coéternel ? Est-ce parce qu’il se nomme Dieu ?