Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/88

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soit parce qu’il ne convenait point à Dieu d’avoir besoin de son assistance, soit assurément parce qu’il n’est pas dit qu’il ait tiré quelque chose de la Matière.

— Elle eût donc existé sans motif, me dis-tu ?

— Non point absolument sans motif. Quoiqu’elle n’ait pas servi à la formation du monde, l’hérésie en est sortie, une hérésie d’autant plus impudente qu’au lieu d’être née de la Matière, c’est l’hérésie qui créa la Matière elle-même.

XXIV. Je reviens maintenant à chacun des articles qui, selon Hermogène, désignent la Matière. Et d’abord, interrogeons les noms. J’en lis un des deux dans l’Ecriture, celui de Terre. L’autre, celui de Matière, je ne l’y trouve pas. Pourquoi donc, te demanderai-je, quand la Matière n’est pas nommée dans l’Ecriture, lui donnes-tu la dénomination de terre, comme une autre espèce de substance ? Il y a plus. La Matière, après avoir été appelée de son nom, devait recevoir aussi celui de Terre, pour me prouver que Terre et Matière représentent une seule et même chose, de peur que je n’attribuasse à cette seule substance un nom qui appartient en propre à celle sous lequel elle est plus connue ; ou bien, afin qu’il ne me fût pas possible, si je le voulais, de l’appliquer à une autre espèce, ou de le communiquer à la première Matière venue. En effet, lorsqu’il n’y a pas de nom spécial pour désigner la chose à laquelle est assigné un nom commun, moins il est visible à qui appartient ce nom, plus il me sera possible de l’attribuer à tout autre substance. Ainsi, quand même Hermogène nous prouverait que la Matière a reçu le nom de terre, il lui resterait encore à prouver que la terre a reçu le nom de Matière, pour avoir droit de lui assigner les deux noms.

XXV. Il veut donc que, dans cette Ecriture, il soit question de deux terres : l’une que Dieu créa au commencement ; l’autre, la Matière, dont il a été dit : « La terre était invisible et sans forme. » Conséquemment, si je lui