Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/92

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a été caractérisé. Il y a mieux. Non-seulement nous prouverons que cette forme convenait à cette terre, mais même qu’elle n’a pu convenir qu’à elle. En effet, s’il est vrai que la Matière toute seule subsistât à côté de Dieu, puisqu’il n’y avait entre eux l’obstacle d’aucun élément, attendu qu’après elle et Dieu il n’y avait rien, il s’ensuit qu’elle ne pouvait être invisible. Hermogène supposât-il même que les ténèbres existaient dans la substance de la Matière, nous répondrons à cette difficulté dans son lieu, dès que les ténèbres sont visibles, même à l’homme (car nous apercevons ce que sont les ténèbres), à plus forte raison le seront-elles à Dieu. Si leur qualité était d’être invisibles, on ne les connaîtrait pas. Où donc l’hérétique a-t-il appris que celle qui était cachée par son invisibilité était grossière, confuse, désordonnée ? Ou bien, si cette circonstance lui a été révélée par Dieu, qu’il le prouve.

De même, je demande s’il a pu être dit de la Matière qu’elle était grossière ? Assurément ce qui est imparfait est grossier ; assurément encore il n’y a d’imparfait que ce qui a été fait. Ce qui n’est fait qu’à demi est imparfait ? — D’accord, me réponds-tu. — Donc, par conséquent, la Matière qui n’a jamais été faite n’a pu être imparfaite. Celle qui n’a point été imparfaite n’a pu être grossière. Sans commencement, puisqu’elle n’a point été faite, elle n’a pas eu davantage de rudiment. Le rudiment est un accident de ce qui commence. Il n’en va point ainsi de la terre. Comme elle a été faite, on peut dire qu’elle a été grossière. Dès qu’elle a été faite, elle a été imparfaite avant d’arriver à sa perfection.

XXIX. Je vois Dieu consommer toutes ses œuvres par degré ; créant d’abord le monde avec des éléments incultes, puis le consacrant ensuite par la beauté de ses formes. Il ne commence point par monder la lumière de la splendeur du soleil ; par tempérer les ténèbres par les rayons consolateurs de la lune ; par semer dans les cieux la poussière