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Page:Tertullien - Œuvres de Tertullien, édition Charpentier, 1844.djvu/223

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Judas, le traître Judas, sans vouloir découvrir ce perfide aux autres apôtres.

Lorsqu’il est livré à ses ennemis, et qu’il est conduit à la boucherie comme une victime sans voix, « car il n’ouvre pas plus la bouche qu’un agneau sous la main de celui qui le tond, » alors ce roi des cieux, qui d’un seul mot pouvait appeler à son secours des légions d’anges, ne consent pas même qu’un de ses disciples tire l’épée pour le venger. Sa patience reçoit, pour ainsi dire, une blessure dans la blessure de Malchus. C’est pourquoi il donne sa malédiction à ceux qui désormais frapperont du glaive ; et en guérissant miraculeusement ce malheureux, il satisfait par la patience, qui est la mère de la miséricorde, à celui à qui il n’avait fait aucun tort. Je ne dis rien de sa mort en croix : il était descendu du ciel pour cela. Cependant était-il besoin que cette mort douloureuse fût précédée et accompagnée de tant d’outrages ? Non sans doute ; mais il voulait en qualité de victime se rassasier et s’engraisser du fruit de la patience, avant que d’être tout à fait immolé. On lui crache au visage, on le fouette jusqu’à le couvrir de sang, on le bafoue, on le couvre d’une honteuse robe, on lui enfonce dans la tête une couronne encore plus honteuse. Admirable égalité d’âme, fermeté prodigieuse qui ne se dément jamais ! Celui qui avait voulu se cacher sous la figure humaine n’imite rien de la patience humaine. Pharisiens, à cette seule marque vous deviez reconnaître votre Dieu : jamais un pur homme n’aurait su pratiquer une telle patience. Tant d’exemples de modération et de douceur, dont la sublimité prodigieuse sert de prétexte à l’infidélité des nations, doivent au contraire exciter et fortifier notre foi en Jésus-Christ, puisqu’ils nous montrent évidemment, autant par la grandeur de ses souffrances que par la sagesse de ses préceptes, que la patience divine était devenue en lui comme une qualité naturelle qui rehaussait l’éclat de ses autres vertus.