Le Seigneur nous avertit encore que nous rendrons compte de toutes nos paroles vaines et inutiles ; que sera-ce des paroles injurieuses ? II s’ensuit donc que ce divin Maître nous ordonne de souffrir patiemment de la part d’autrui le mal qu’il nous défend sous de rigoureuses peines de faire au prochain.
Considérons maintenant la douceur qui se trouve à être patient. Quelques traits que la calomnie ou la malignité lancent contre une âme patiente ne produiront d’autre effet que celui d’une flèche décochée contre un roc impénétrable ; ce sera un coup perdu : la flèche tombera à terre ou même elle sera quelquefois réfléchie avec la même impétuosité vers celui qui l’a décochée. Quelqu’un vous blesse : pourquoi ? c’est pour vous porter un coup douloureux ; car le fruit le plus agréable que goûte celui qui blesse, c’est la douleur de celui qui est blessé. S’il arrive donc que vous fassiez périr ce fruit par votre patience, il faudra que la douleur retombe sur votre ennemi, lequel a perdu le fruit qu’il se promettait. De cette sorte non seulement vous ne recevrez aucune blessure (ce qui devrait vous suffire), mais vous aurez encore le plaisir de l’avoir frustré de son espérance et de lui avoir renvoyé la douleur ; qu’il prétendait vous causer. Voilà le doux avantage qu’on trouve à être patient.
IX. Au reste, il y une espèce d’impatience inexcusable, quoiqu’elle paraisse d’abord légitime ; c’est lorsque nous nous abandonnons à la tristesse en perdant quelqu’un de nos proches. En pareille occasion il faut se souvenir du généreux renoncement que l’apôtre nous recommande quand il dit : « Ne vous attristez pas de la mort de quelqu’un, comme font les gentils qui n’ont point d’espérance. » Et certes cet avis est très raisonnable ; car si nous croyons à la résurrection de Jésus-Christ, nous croyons par conséquent à la nôtre, puisque Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous. Étant donc certain que tous ressusciteront un jour, on ne doit point s’affliger de