corps qui couche sur la dure ; c’est le corps enfin qui endure la peine de ne voir le jour qu’à travers une petite fente de muraille, et qui périt insensiblement dans l’ordure et dans la misère. Lorsqu’il faut paraître au champ de bataille pour éprouver heureusement ses forces contre les tyrans, lorsqu’il s’agit d’être lavé dans un second baptême, lorsqu’il faut monter à ce degré difficile qui fait passer subitement de la terre au ciel, alors il n’y a rien qui soutienne plus que la patience corporelle. « L’esprit est fort, » je l’avoue ; mais il est vrai aussi que la chair est faible sans la patience, par laquelle l’âme et le corps trouvent infailliblement leur salut. Ainsi lorsque le Seigneur a dit « que la chair est faible, » il a voulu nous apprendre ce qui la fortifie, c’est-à-dire la patience, laquelle comme un appui inébranlable soutient tout le poids des tourments qu’on emploie pour abattre la foi des chrétiens, ou pour éprouver leur constance. C’est en effet cette vertu qui triomphe des fouets, du feu, des chevalets, de la férocité des lions, de l’épée des bourreaux, de la violence des supplices. C’est elle qui a fait remporter la victoire aux prophètes, aux apôtres et aux martyrs.
XIV. Soutenu par les forces de la patience, Isaïe est scié en deux, et ne cesse de louer le Seigneur au milieu de cet horrible tourment. Étienne est lapidé, et demande pardon pour ses ennemis. Job, le généreux Job, s’estime infiniment heureux dans le violent combat où il est obligé d’employer toutes les armes de la patience pour soutenir les plus furieuses attaques de l’enfer déchaîné contre lui. Rien ne peut l’abattre. Que ses troupeaux lui soient enlevés ; que ses granges soient brûlées ; que ses enfants soient écrasés sous les ruines d’une maison ; que son corps soit horriblement couvert de mille ulcères : ce sont à la vérité des coups accablants : mais en vain le démon déploie toute sa rage et toutes ses forces pour ébranler Job ; il demeure inébranlable cet homme patient qui avait rois toute sa confiance en Dieu. Tant de disgrâces ne lui