I
L'εἰρωνεία, prise en un sens général, est une affectation d’humilité dans les actes et dans les paroles[1]. [2] Et voici quelle sorte d’homme est l'εἴρων (le dissimulé)[2]. Il aborde ses ennemis, afin de ne pas laisser paraître qu’il les hait. Il vante, quand elles sont là, les personnes qu’il vient d’attaquer en secret ; et, si elles ont perdu un procès, il leur exprime ses condoléances. Il affecte de ne pas en vouloir à ceux qui l’ont diffamé ; et les propos hostiles dont il est l’objet ne le mettent pas en colère. [3] Avec les gens qui, ayant subi quelque tort, viennent s’en plaindre[3], il garde dans la conversation un ton impassible. Si l’on insiste pour le voir sur l’heure, il fait dire de repasser plus tard. [4] Il ne confie rien de ses affaires et prétend toujours qu’il n’a pas encore pris parti. « Il ne fait, dit-il, qu’arriver ; il était trop tard ; il a été malade. » [5] Aux personnes qui sollicitent un prêt à intérêt ou un prêt d’amitié…[4]. Quand il vend quelque chose sur le marché, il dit qu’il ne vend pas ; et, au contraire, quand il ne vend pas, qu’il vend. Ce qu’il a entendu, il prétend ne l’avoir pas entendu ; ce qu’il a vu, ne l’avoir pas vu ; ou, s’il en convient, il feint du moins de ne pas s’en souvenir. Il répond
- ↑ Sur le sens exact de cette définition, voy. Rev. des ét. gr., art. cité, p. 404.
- ↑ Le mot « dissimulé » ne rend qu’une partie du terme grec εἴρων, Voy. ibid., p. 405.
- ↑ Dans l’espoir que leur indignation trouvera près de lui un écho.
- ↑ C’est-à-dire sans échéance fixe et sans intérêt. La lacune peut être comblée avec vraisemblance par : « il donne, tout en objectant qu’il n’est pas riche ».