Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/106

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je suis bien aise que vous soyez venus me voir tous les deux. Votre figure me plaît, lady Jane ; on ne trouve point dans vos traits les airs dédaigneux et insolents des Binkie ; je veux vous donner, pour quand vous irez à la cour… »

Il se dirigea en même temps, non sans avoir d’abord prêté l’oreille, vers un chiffonnier dont il tira un écrin renfermant des bijoux de quelque valeur.

« Prenez, ma chère, dit-il à lady Jane, cela a appartenu à ma mère et n’a été porté que par ma première femme, la fille du quincaillier n’y a jamais touché, aussi vrai que je vous le dis, mais prenez et cachez vite. »

Au moment où il mettait l’écrin dans la main de sa bru et poussait le tiroir du chiffonnier, Horrocks entrait portant un plateau de rafraîchissements.

« Qu’avez-vous donné à la femme de Pitt, dit la femme aux rubans lorsque Pitt et lady Jane eurent pris congé du vieillard. »

Cette femme n’était autre que miss Horrocks, la fille du sommelier, objet de scandale pour tout le comté ; en un mot, la châtelaine de nouvelle création établie en souveraine à Crawley-la-Reine.

La faveur dont jouissait au château la dame aux rubans avait excité le mécontentement et le blâme de la famille et de tout le comté. La dame aux rubans avait un compte ouvert à la succursale de la caisse d’épargnes, située à Mudbury ; la dame aux rubans allait en voiture à l’église, se réservant pour elle seule l’usage des chevaux qui avaient fait pendant longtemps le service des domestiques du château : un simple mouvement de son caprice suffisait pour décider du renvoi de ceux-ci. Le jardinier écossais resté en possession du potager, se montrait très-fier de ses espaliers et de ses serres chaudes et se faisait un assez joli revenu du produit de la vente des fruits et des légumes au marché de Southampton ; mais un beau matin, ayant trouvé la dame aux rubans occupée à dévorer ses pêches sur ses espaliers, il reçut une paire de soufflets en réponse à quelques observations qu’il présentait au sujet de ces atteintes portées à sa propriété. Lui, sa femme, ses enfants, tous les braves serviteurs de Crawley-la-Reine n’eurent d’autre parti à prendre que de faire leurs paquets et d’abandonner au pillage ces jardins jusqu’alors si bien entretenus ; les mauvaises herbes com-