Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/151

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— Grand Dieu ! c’est le major, dit Glorvina en laissant apercevoir sa tête, qui ressemblait à une grappe de papillotes.

— Eh bien, Dob, qu’y a-t-il, mon garçon ? reprit le colonel, pensant qu’il y avait au moins le feu à la caserne, ou qu’il était arrivé un ordre du quartier général.

— Il me faut… un congé pour… pour retourner en Angleterre, reprit Dobbin ; j’y suis rappelé immédiatement pour des affaires de famille très-urgentes.

— Juste ciel ! qu’est-il arrivé ? se dit Glorvina communiquant son tremblement à ses papillotes elles-mêmes.

— Il faut que je parte cette nuit, sur-le-champ, » continua Dobbin.

Le colonel se leva et vint échanger quelques paroles avec lui.

En arrivant au post-scriptum de la lettre de miss Dobbin, le major y avait trouvé la nouvelle suivante, seule cause de l’alerte dont nous venons de faire part au lecteur :

« J’ai été voir hier notre vieille connaissance, mistress Osborne et sa famille. Vous savez dans quelle misérable demeure vivent ces pauvres gens depuis la banqueroute du père ; M. Sedley a placé une plaque de cuivre sur la porte de cette méchante habitation et se livre au commerce du charbon. Le petit George, votre filleul, est un charmant enfant, quoiqu’il ait de grandes dispositions à l’insolence et à l’entêtement. Nous nous occupons de lui suivant votre désir, et nous l’avons présenté à sa tante miss Osborne qui a été enchantée de le voir. Son grand-père, je ne parle point du banqueroutier, mais de M. Osborne, de Russell-Square, qui est presque tombé en enfance, semble disposé à se radoucir à l’égard de l’enfant de votre ami et à oublier les erreurs de la désobéissance du père. Amélia serait assez disposée à lui en faire l’abandon. Elle commence à se consoler de la mort de son mari, et dans peu doit épouser le révérend M. Binney, ministre à Brompton. C’est un pauvre mariage, mais mistress Osborne commence à être sur le retour ; j’ai déjà aperçu quelques cheveux gris sur sa tête ; quant à son moral, il va infiniment mieux ; et votre petit filleul fait le diable à la maison. Ma mère me charge de vous transmettre ses amitiés, auxquelles je joins celles de votre dévouée sœur.

« Anna Dobbin. »