Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/316

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l’on pût se remettre en route avant d’avoir au moins pris un bain.

Le major se vit donc forcé d’attendre encore pour cette nuit, et d’annoncer tout simplement par lettre son arrivée à sa famille. Dobbin supplia Jos d’écrire de son côté à ses amis ; Jos promit, mais ne tint pas sa promesse. Le capitaine, le chirurgien et un des deux passagers vinrent dîner à l’hôtel avec nos deux amis. Jos déploya toute sa science à commander un dîner. Il promit qu’il partirait le lendemain avec le major pour Londres. L’hôtelier racontait depuis que c’était plaisir de voir avec quelle satisfaction M. Sedley huma sa première pinte de bière, comme doit faire tout bon Anglais qui, après une longue absence, remet le pied sur le sol britannique.

Le lendemain matin, de très-bonne heure, suivant son habitude, le major Dobbin était sur pied, tout rasé et tout habillé. Personne n’était levé dans l’auberge, à l’exception de celui qui fait les souliers et qui semble être une créature pour laquelle le sommeil est un mythe. Le major pouvait entendre les gens de la maison ronfler en chœur, tandis que lui errait à l’aventure dans les corridors déserts. À ce moment le décrotteur, dont les yeux ne se ferment jamais, allait de porte en porte faire sa distribution de bottes à revers, bottes à haute tige, demi-bottes, etc., etc… Le domestique indigène de Jos se leva enfin, prépara le hookah de son maître et disposa son formidable attirail de toilette. Les filles d’auberge commençaient alors à sortir de leurs soupentes, et, rencontrant le nègre dans les couloirs, elles furent tout effrayées, pensant se trouver en face du diable. Lui et Dobbin faillirent plus d’une fois se laisser tomber au milieu des seaux qui obstruaient le passage et dont elles se servaient pour laver l’hôtel du Roi-George. Enfin l’un des garçons vint ouvrir la porte et tira les verrous. Le major crut qu’enfin l’heure du départ était sonnée, et il demanda sur-le-champ une chaise de poste pour se mettre en route.

Puis il se rendit à la chambre de Sedley, et écartant les rideaux d’un lit immense où Jos s’évertuait à ronfler :

« Debout ! debout ! lui cria le major ; il est temps de partir ; la voiture sera à la porte de l’hôtel avant une demi-heure. »

Jos se mit à grogner contre le malencontreux interrupteur de son sommeil et demanda quelle heure il était. Quand le major qui ne savait point mentir, quelque avantage qu’il en pût tirer,