Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/326

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La première chose que mistress Osborne fit voir au major fut la miniature de Georgy ; ce fut la première chose qu’elle monta chercher en arrivant à la maison. L’enfant, bien entendu, était dix fois plus joli, mais n’était-ce pas d’un noble cœur d’avoir pensé à l’apporter à sa mère ? Jusqu’au moment où son père alla se coucher, elle ne parla pas beaucoup de Georgy. Il était trop douloureux pour lui d’entendre parler de M. Osborne de Russell-Square ; il ne se doutait point assurément que depuis quelques mois il ne vivait que des bienfaits de son rival, et ce nom prononcé en sa présence eût excité de sa part la plus vive colère.

Dobbin raconta à Amélia ce qui s’était passé à bord du Ramchunder et exagéra peut-être encore les bienveillantes dispositions de Jos à l’égard de son père. Ce qu’il y avait de certain, c’est que le major, par son insistance pendant le voyage à représenter à son compagnon les devoirs que sa position lui imposait vis-à-vis de son père, avait fini par arracher de lui la promesse qu’il se chargerait de sa sœur et de son neveu. L’irritation de Jos, à propos des billets que le vieillard avait tirés sur lui, s’était un peu calmée au récit que Dobbin lui avait fait de ses petites misères personnelles, du fameux envoi de vins dont le vieillard l’avait favorisé. Enfin, par ses ménagements, il avait amené M. Jos qui, après tout, n’était pas d’un caractère intraitable, quand on savait le prendre par la douceur et la flatterie, à manifester des dispositions très-favorables pour la famille qu’il allait retrouver en Europe.

En un mot, s’il faut le dire, le major donna une entorse à la vérité au point d’affirmer au vieux M. Sedley que la cause du retour de Jos en Europe était l’unique désir de le revoir.

À son heure ordinaire, le vieux M. Sedley commença à ronfler dans son fauteuil, et Amélia put alors entamer cette conversation qu’elle désirait si ardemment, puisque Georgy devait en être l’objet exclusif. Elle ne dit rien à Dobbin des souffrances que lui avait coûtées la séparation, car bien que cette blessure fût pour elle ouverte et toujours saignante, elle regardait comme un sentiment condamnable son regret de ne plus l’avoir près d’elle. Mais elle avait mille choses à lui dire sur tout ce qui tenait à son fils, sur ses qualités, ses talents, son avenir. Elle lui dépeignit sa beauté angélique, lui cita mille exemples de sa générosité, de la noblesse de son cœur. Quand