Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/406

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passion, laissez-vous fléchir à nos prières et venez dîner avec moi et Fritz dans un des restaurants du Parc. Nous aurons des faisans rôtis, de la bière, du plum-pudding et du vin de France. Ne nous refusez pas, si vous ne voulez avoir à vous reprocher notre mort.

— Oui, notre mort ! » reprit l’autre sans se déranger seulement de son lit.

Jos entendit tout ce colloque, mais il n’y comprit rien, attendu qu’il n’avait jamais fait aucun effort pour savoir la langue qui se parlait autour de lui.

« Nioumero quatre-vinn-doze, si vous plaît ? demanda Jos d’une voix solennelle, lorsqu’il se sentit assez remis pour pouvoir parler.

— Quouatre-fan-touce ! » dit l’étudiant en se relevant. En même temps il s’élança dans la chambre, qu’il ferma au verrou, et Jos put distinguer les éclats de rire qu’il faisait avec son camarade.

L’ex-fonctionnaire du Bengale était tout déconcerté de cet accueil, lorsque la porte du 92, s’ouvrant d’elle-même, laissa passer la petite figure de Becky, sur laquelle se trahissait une expression à la fois railleuse et sournoise ; elle courut au-devant de Joseph.

« C’est vous, lui dit-elle ; ah ! si vous saviez avec quelle impatience je vous attendais ; arrêtez… tout à l’heure… dans une minute, vous pourrez entrer. »

Cette minute fut employée par elle à cacher sous sa couverture son pot de rouge, une bouteille d’eau-de-vie et une assiette avec un reste de pâté ; puis elle donna un coup de peigne à sa chevelure, et alors seulement elle introduisit son visiteur.

En guise de robe du matin, elle avait un domino rose, vieille guenille couverte de taches et de souillures, et portant à plusieurs endroits des traces de pommade. Mais de ses larges manches sortaient des bras éblouissants de blancheur et de beauté, et sa robe serrée autour de sa taille svelte et mince laissait deviner d’une manière assez avantageuse la délicatesse des formes qu’elle dessinait à demi. Elle introduisit maître Jos dans sa mansarde.

« Entrez, lui dit-elle, et causons un peu. Tenez, voici une chaise. »

Et accompagnant la voix du geste, elle imprima un léger