Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/424

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en l’attirant vers elle et en le couvrant de baisers. Puis après avoir écarté les cheveux qui lui tombaient sur le front, elle le présenta à mistress Crawley.

— Voici mon fils, Rebecca, » lui dit-elle.

Cette seule parole dans la bouche de mistress Osborne semblait dire : Trouvez-moi dans tout l’univers une semblable merveille. Becky regarda l’enfant avec admiration et lui serra tendrement la main.

« Cher enfant, dit-elle tout haut, comme il ressemble à… »

L’émotion coupa sa phrase, mais Amélia la comprit comme si elle l’eût achevée. La vue de Georgy lui avait rappelé son enfant chéri. Fort heureusement, la joie d’avoir retrouvé une amie aida mistress Crawley à supporter le poids de cette douleur, car elle mangea d’un excellent appétit.

Pendant le repas, Becky eut occasion de parler à plusieurs reprises, et George l’écoutait et la regardait avec une attention toute particulière. Au dessert, Emmy étant allée donner un coup d’œil à ses arrangements intérieurs, et Jos s’étant mis à ronfler en parcourant les colonnes du Galignani, Georgy, assis à côté de la nouvelle arrivée, continua à l’examiner comme une personne qu’il croyait reconnaître.

« Je parie… dit-il enfin.

— Eh bien, que pariez-vous ? fit Becky en riant.

— Que vous êtes la même femme que j’ai vue hier jouant au rouge ou noir.

— Silence, petit espiègle, dit Becky en lui prenant la main et en la couvrant de baisers ; votre oncle s’y trouvait aussi, et votre maman n’en doit rien savoir.

— Soyez tranquille, répondit l’enfant.

— Vous voyez que nous sommes déjà comme une véritable paire d’amis, » dit Becky à Amélia, qui rentrait en ce moment.

Mistress Osborne avait, en vérité, fort bien choisi la personne à laquelle elle accordait l’hospitalité de son toit.

William, transporté d’indignation, bien qu’il fût loin de se douter encore de la catastrophe qui le menaçait, arpentait la ville comme un fou jusqu’au moment où il rencontra le secrétaire de légation, M. Tapeworm, qui l’invita à dîner. Tout en dressant le menu de leur repas, il demanda au diplomate quelques renseignements touchant une certaine mistress Rawdon Crawley qui avait fait, disait-on, quelque bruit à