Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/97

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sur la trace de quelque escroquerie, le vieux Sedley se mit aux trousses du major. Comme agissant au nom de sa fille, il lui demanda, d’un ton d’autorité, l’apurement des comptes de la succession. Dobbin balbutia et rougit. Sa gaucherie et son embarras confirmèrent les soupçons du vieux Sedley ; et convaincu qu’il avait affaire à un coquin, il lui dit, sans plus de détour, sa manière de voir sur sa conduite, et lui déclara tout uniment qu’il l’accusait de détenir frauduleusement des deniers appartenant à son gendre.

Dobbin perdit patience en présence de pareilles allégations et si la vieillesse et le malheur de M. Sedley ne lui eussent inspiré quelque retenue, il en serait probablement venu avec lui à des voies de fait dans le café même de Slaugther. Voici, du moins, les paroles qu’ils échangèrent :

« Vous allez me suivre là-haut, monsieur, lui cria le major ; je tiens à ce que vous m’accompagniez pour que vous puissiez vous assurer par vous-même quel est dans cette affaire, de ce pauvre George ou de moi, celui qui supporte un sacrifice. »

Entraînant alors le vieillard dans le cabinet qui lui servait de chambre à coucher, Dobbin tira de son pupitre les comptes d’Osborne, auxquels se trouvait attachée une liasse de billets à ordre que, pour rendre justice au capitaine, il n’avait jamais laissés en souffrance.

« Il a soldé tous ses billets avant son départ pour la Belgique, ajouta Dobbin, mais il ne lui restait pas cent livres en tout au moment de sa mort. Avec quelques-uns de ses camarades, nous avons réuni une petite somme provenant de nos économies amassées à grand’peine, et pour récompense vous venez nous dire que nous avons voulu faire tort à la veuve et à l’orphelin. »

L’embarras fut alors du côté de Sedley qui se repentit, mais un peu tard, de sa démarche inconsidérée. Dobbin néanmoins avait fait là un gros mensonge. C’était de sa propre poche qu’était sorti jusqu’au dernier shilling de la susdite somme, c’était avec ses modiques ressources qu’il avait pourvu aux frais d’enterrement de son ami, c’était lui qui avait pris à sa charge toutes les dépenses qui avaient été la conséquence forcée du malheur d’Amélia.

Jamais le vieil Osborne ne s’était douté de tout cela. Jamais Amélia n’en avait su plus que lui sur cette affaire ; elle s’en