Page:Thackeray - La Foire aux vanites 1.djvu/272

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Joe Sedley, qui ne tarda pas à arriver dans sa grande voiture découverte, aidèrent à combler les vides de la bourse de Rawdon et lui procurèrent les avantages de cet argent comptant, dont la disette met dans l’embarras les plus grands génies eux-mêmes.

Mais revenons à nos trois jeunes gens, qui s’en allaient au-devant de l’Éclair. La voiture, d’une exactitude rigoureuse, était remplie à l’intérieur et couverte au dehors d’êtres vivants. Le conducteur tira de son cor ses modulations habituelles. L’Éclair entra dans la rue avec une rapidité digne de son nom et s’arrêta devant le bureau des voitures.

« Bravo ! voilà Dobbin, » s’écria George enchanté de voir son vieil ami perché sur l’impériale.

Sa visite, différée de jour en jour, était impatiemment attendue.

« Comment vous portez-vous, mon brave garçon ? Vous êtes bien aimable d’être venu. Emmy va être enchantée de vous voir, » dit Osborne donnant une cordiale poignée de main à son ami quand celui-ci fut descendu de son poste élevé. Puis, d’une voix plus basse : « M’apportez-vous des nouvelles ? Avez-vous été à Russell-Square ? Que dit le père Rabat-joie ? ne me cachez rien. »

La figure de Dobbin était pâle et grave.

« J’ai vu votre père, répondit-il ; comment va Amélia… Mrs. George ? vous saurez toutes les nouvelles. Mais la plus grande de toutes, c’est que…

— Vite, mon vieux camarade, dit George avec anxiété.

— On nous envoie en Belgique ; l’armée entière est commandée pour le départ, le régiment des gardes comme les autres. Heavytop a ses accès de goutte et enrage de ne pouvoir bouger. O’Dowd le remplace. Nous nous embarquons à Chatham la semaine prochaine. »

Ces nouvelles de guerre, tombant comme la foudre sur nos amants, les plongèrent dans de sérieuses et tristes méditations.


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