Page:Thackeray - Le Livre des snobs.djvu/23

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content du ministre, comme un petit Snob dont la bassesse ne laisse rien à désirer.

Cet incident me donna à réfléchir beaucoup plus encore que le sermon, et me laissa tout surpris des dimensions et de l’influence qu’avait prises dans ce pays la Lordolâtrie En effet, qu’importait à ce Snob que ce ministre fût ou non le chapelain de ce seigneur ? Voilà comment, dans notre pays qui se dit libéral, on se livre à l’adoration de la Pairie. Tous, plus ou moins, nous nous y laissons prendre, et l’on nous trouve plus ou moins à plat ventre devant elle. Pour nous placer au point de vue de l’important sujet que nous traitons, je crois que l’influence de la Pairie sur le Snobisme a été des plus étendues et des plus directes. La conservation, le progrès et le développement du Snobisme sont un bienfait dont nous sommes redevables à la noblesse, et qui, suivant l’expression pleine de justesse de lord John Russell, ne sera jamais apprécié pour ce qu’il vaut.

Comment en serait-if autrement ? Un homme devient colossalement riche. À la suite d’un ministre, il se livre avec succès à mille petits tripotages ; il gagne une bataille ; il conclut un traité, ou, en légiste habile, il sait encaisser de gros honoraires, et trouver ainsi le chemin du banc de la Reine : le pays le récompense alors en lui accordant une couronne d’or rehaussée de plus ou moins de feuilles et de fleurons, et le comble par-dessus le marché des titres et dignités qui conviennent à un législateur.

« Vos mérites sont si grands, dit la nation, que vos enfants seront appelés pour leur part à régner sur nous. Qui s’aviserait de supposer un seul instant que votre fils aîné puisse être un imbécile ? nous tenons vos services pour si considérables, que nous voulons que vos honneurs soient réversibles sur sa tête quand la mort fera le vide dans vos nobles chaussures. Si vous êtes pauvre, nous vous donnerons assez d’or pour que vous et les aînés de votre race puissiez vivre à jamais au sein d’une grande opulence. Nous voulons que dans cet heureux pays il y ait une caste privilégiée, à qui revienne partout le premier rang, par