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LE LIVRE DES SNOBS.

respectable noblesse dans la catégorie des Snobs, j’espère par le présent chapitre contenter les plus difficiles en déclarant ici bien haut que c’est parmi la classe la plus respectable de cette vaste et heureuse contrée qu’on rencontre le plus grand nombre de Snobs. Suivez-moi, ami lecteur, dans mon bien-aimé quartier de Baker-Street ; et je ne suis pas fâché de vous dire, à ce propos, que je compose en ce moment une vie de Baker, fondateur de cette partie de notre grande cité. Un peu plus loin nous traversons Harley-Street, où une maison sur deux est décorée d’un écusson ; puis c’est Wimpole-Street, dont la gaieté rappelle les catacombes, et qu’on prendrait pour le funèbre catafalque de la noblesse. Nous voici à Regent’s-Park, où tous les murs sont bigarrés de grandes taches de plâtre, où l’on voit sur de vertes pelouses des prêcheurs méthodistes occupés à pérorer devant trois ou quatre marmots ; où des convalescents à moitié essoufflés essayent leurs premiers pas dans la boue solitaire des allées. Franchissons le labyrinthe inextricable de May-Fair, où la calèche de mistress Kitty Lorimer est arrêtée derrière la grande berline de famille de la vieille lady Lollipop. Cette course vagabonde nous conduit à Belgravia, quartier d’une blafarde propreté, dont les habitants sont toujours tirés à quatre épingles. Les maisons portent une couche de badigeon brun clair, et c’est à peine s’il y a moyen de se retrouver dans ce dédale de squares et de terrasses de Bayswater-and-Tyburn, qui brille de toute la fraîcheur et de tout l’éclat du plâtre neuf. Eh bien ! dans tout ce chemin que nous venons de parcourir, j’ai toujours eu la même pensée présente à l’esprit : c’est qu’on peut s’arrêter au hasard devant un grand nombre de ces maisons et dire sans crainte de se tromper : « Maison, c’est un Snob qui vous habite ; marteau, c’est un Snob qui vous ébranle ; laquais qui êtes là en déshabillé, à chauffer au soleil vos mollets paresseux, appuyé contre cette balustrade de fer, c’est encore un Snob qui vous paye. »

Triste pensée, et qui suffit pour donner des accès de fureur à l’homme du caractère le plus égal ! Dire qu’il n’y