dans lequel on verra que milady, quoiqu’elle prétendît n’avoir que de l’indifférence pour mes faits et gestes, avait un œil perçant de femme, et pouvait être aussi jalouse qu’une autre :
« Mercredi. — Il y a eu deux ans aujourd’hui, mon dernier espoir et plaisir dans la vie m’a été enlevé, et mon cher enfant a été appelé au ciel. Y a-t-il rejoint son pauvre frère, que j’ai laissé grandir sans soins à mon côté, et que la tyrannie du monstre auquel je suis unie a poussé à l’exil et peut-être à la mort ? Charles Bullingdon ! viens au secours d’une malheureuse mère qui reconnaît ses crimes, sa froideur envers toi, et maintenant paye cruellement son erreur ! Mais non, il ne peut être en vie ! Je suis folle, ma seule espérance est en vous, mon cousin, vous que j’avais jadis songé à saluer d’un nom plus tendre encore, mon cher George Poynings ! Oh ! soyez mon chevalier et mon sauveur, le vrai cœur chevaleresque que vous fûtes toujours, et arrachez-moi aux fers de l’indigne félon qui me tient captive ; arrachez-moi à lui, et à Stycorax, la vile sorcière irlandaise, sa mère ! »
(Ici sont des vers, comme Sa Seigneurie était dans l’habitude d’en composer à la rame, dans lesquels elle se compare à Sabra, dans les Sept Champions, et supplie son George de l’arracher au dragon, voulant dire mistress Barry. Je passe la poésie et continue :)
« Même mon pauvre enfant, qui est mort si prématurément en ce triste anniversaire, le tyran qui m’opprime lui avait appris à me mépriser et à me haïr. C’est contrairement à mes ordres, à mes prières, qu’il fit cette course fatale. Quelles souffrances, quelles humiliations j’ai eues à endurer depuis lors ! Je suis prisonnière chez moi. Je craindrais d’être empoisonnée, si je ne savais que le misérable a un intérêt sordide à me conserver vivante, et que ma mort serait le signal de sa ruine. Mais je n’ose bouger sans mon odieuse, hideuse, ignoble geôlière, l’horrible Irlandaise qui poursuit chacun de mes pas. Je suis enfermée la nuit dans ma chambre, comme une criminelle, et on ne m’en laisse sortir que lorsqu’il m’est ordonné de me présenter devant mon maître (ordonné à moi !) pour assister à ses orgies, avec ses compagnons, et entendre son odieuse conversation lorsqu’il tombe dans la dégoûtante folie de l’ivresse ! Il a renoncé à l’apparence même de la constance, lui qui jurait que je pouvais seul l’attacher ou le charmer ! Maintenant il amène ses maîtresses de bas étage jusque sous mes yeux, et veut me faire