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par la famine, au point que plus de deux millions de personnes sont mortes de faim en 1932 et 1933.

La «raison d’État » est entièrement responsable de cette situation. Cette expression a toujours servi à masquer la tyrannie, l’exploitation et la détermination des dirigeants à prolonger et perpétuer leur domination.

En passant, je signalerai que, malgré la famine qui a affecté tout le pays et le manque des ressources les plus élémentaires pour vivre en Russie, le premier plan quinquennal visait uniquement à développer l’industrie lourde, industrie qui sert ou peut servir à des objectifs militaires. Il en est de même pour la distribution et toutes les autres formes d’activité. Non seulement les bourgs et les villes, mais toutes les parties constitutives de l’Union soviétique sont privées d’existence indépendante. Puisqu’elles ne sont que de simples vassales de Moscou, leurs activités économiques, sociales et culturelles sont conçues, planifiées et sévèrement contrôlées par la «dictature du prolétariat» à Moscou. Pire: la vie de chaque localité, et même de chaque individu, dans les prétendues républiques «socialistes» est gérée dans le moindre détail par la «ligne générale» fixée par le «centre». En d’autres termes, par le Comité central et le Bureau politique du Parti, tous deux contrôlés d’une main de fer par un seul homme. Comment certains peuvent appeler communisme cette dictature, cette autocratie plus puissante et plus absolue que celle de n’importe quel tsar, cela dépasse mon imagination.

III

Examinons maintenant comment le «communisme» bolchevik influence la vie des masses et de l’individu. Certains naïfs croient qu’au moins quelques caractéristiques du communisme ont été introduites dans la vie du peuple russe. Je souhaiterais que cela fût vrai, car ce serait un gage d’espoir, la promesse d’un développement potentiel dans cette direction. Malheureusement, dans aucun des aspects de la vie soviétique, ni dans les relations sociales ni dans les relations individuelles, on n’a jamais tenté d’appliquer les principes communistes sous une forme ou sous une autre. Comme je l’ai souligné auparavant, le fait même de suggérer que le communisme puisse être libre et volontaire est tabou en Russie. Une telle conception est considérée comme contre-révolutionnaire et relève de la haute trahison contre l’infaillible Staline et le sacro-saint Parti «communiste».

Mettons de côté, un instant, le communisme libertaire, anarchiste. On ne trouve même pas la moindre trace, dans la Russie soviétique, d’une manifestation quelconque de communisme d’État, fût-ce sous une forme autoritaire, comme le révèle l’observation des faits de la vie quotidienne dans ce pays. L’essence du communisme, même de type coercitif, est l’absence de classes sociales. L’introduction de l’égalité économique constitue la première étape. Telle a été la base de toutes les philosophies communistes, même si elles diffèrent entre elles sur d’autres aspects. Leur objectif commun était d’assurer la justice sociale; toutes affirmaient qu’on ne pouvait parvenir à la justice sociale sans établir l’égalité économique. Même Platon, qui prévoyait l’existence de différentes catégories intellectuelles et morales dans sa République, s’était prononcé en faveur de l’égalité économique absolue, car les classes dirigeantes ne devaient pas y jouir de droits ou de privilèges plus importants que ceux situés en bas de l’échelle sociale. La Russie soviétique représente le cas exactement opposé. Le bolchevisme n’a pas aboli les classes en Russie: il a seulement inversé leurs relations antérieures. En fait, il a même aggravé les divisions sociales qui existaient avant la Révolution.

Lorsque je suis retournée en Russie en janvier 1920, j’ai découvert d’innombrables catégories économiques, fondées sur les rations alimentaires distribuées par le gouvernement.