Page:The universal anthology - vol. 19, 1899.djvu/31

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du sujet ; et c’était une borne posée à la liberté du lyrisme purement romantique.

Un autre poète, vers le même temps, la restreignait d’une autre manière c’est Victor de Laprade, dans l’œuvre de laquelle, ― Psyché, 1841, Odes et Poèmes, 1843, Poèmes évangéliques, 1852, ― il y a certainement de beaux vers, mais froids et comme enveloppés d’on ne sait quelle brume. Il n’y a pas de comparaison entre Victor de Laprade et Lamartine ou Vigny dont il précède moins, en dépit des apparences, que de deux écrivains un peu oubliés aujourd’hui : Ballanche, l’imprimeur de Lyon, qui fut l’ami de Mme Récamier, et Edgar Quinet, l’ami de Michelet. Mais quelle que soit son infériorité, ce qu’il y a d’intéressant dans Victor de Laprade c’est la direction de son effort. Panthéiste d’instinct, et panthéiste idéaliste, il a travaillé pendant dix ou douze ans à dépersonnaliser le poète en le réduisant au rôle d’interprète ou, pour ainsi parler, de voix de la nature. C’était comme un renversement du point de vue romantique, ou la nature même ne servait que de prétexte ou d’occasion à la manifestation de la personnalité du poète. L’impression du sujet devenait presque indifférente, et ce qui importait avant tout c’était la vérité de la représentation de l’objet. Malheureusement pour Laprade, il se mêlait à cette idée, jusque dans ses vers, trop de considérations nuageuses qui en masquaient la nouveauté. Et puis, et surtout, au milieu de toute cette philosophie qui ressemblait parfois à de la théosophie, le sentiment de la forme, celui du style ou de la facture, de la prosodie même ― se perdait. On s’autorisait des exemples de Musset ou de Lamartine, et il semblait que d’être négligent ou négligé comme eux, et souvent incorrect, ce fut un moyen de les égaler.

C’est pourquoi toute une école, pour laquelle même on avait un moment invente le barbarisme de Formistes, qui heureusement n’a pas survécu, réagissait et, à la vérité, ne formulait pas encore, mais élaborait déjà, dans ses œuvres et dans ses propos, la doctrine de l’art pour l’art. Déjà les Cariatides de Théodore de Banville, 1842, et ses Stalactites, 1846, etaient conçues dans ce système. Ce que le poète y conservait du romantisme, et plus particulièrement de l’influence