Page:The universal anthology - vol. 19, 1899.djvu/34

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y exposer l’intimité de ses propres sentiments. Quelque bonne volonté qu’il ait de se subordonner aux choses et de les refléter telles qu’elles furent, sa puissante imagination les déforme toujours dans le sans de sa propre personnalité. C’est précisément le contraire qu’on tentait dans l’autre école, et de même qu’autre fois, le lyrisme romantique s’était étendu de la poésie au théâtre, à l’histoire, et jusqu’à la critique, de même maintenant ce qu’on voulait c’était d’imposer l’esthétique naturaliste à la critique, à l’histoire, au théâtre et à la poésie.

Subordonner à la nature la personnalité du poète, et faire de lui l’interprète, non pas précisément impassible, mais impartial et incorruptible de la réalité, tel en était le premier article. Il ne s’agissait plus de savoir comment nous voyons les choses, ― de quel œil, complaisant ou indigne, ― ni de quels sentiments nous agitent le spectacle de la nature ou les évènements de l’histoire ! On avait la prétention de connaître et de représenter les choses en soi, comme elles sont, pour ce qu’elles sont, et indépendamment de toute opinion personnelle à l’artiste. C’était le vers d’Horace : Non mihi res, sed me rebus subjungere conor. La nature des choses nous étant extérieure, antérieure et supérieure, nous n’avons pas à la corriger ni à la perfectionner, mais à la reproduire ; et le premier de tous les mérites est la fidélité de l’imitation. Théorie de peintre, peut-être, ou de sculpteur autant que de poète, et dont on voit aisément l’excès, qui devait plus tard engendrer d’étranges conséquences ; mais elle n’en avait pas moins l’utilité grande, aux environs de 1860, de rappeler le poète à l’observation de la nature, à la connaissance de l’histoire et au respect de l’ « Humble Vérité. » Nous lui avons du, entre 1866 et 1875, les Trophées de M. J.-M. de Heredia ; les poèmes populaires, les intérieurs, les poèmes intimes de M. François Coppée ; et, puisqu’il ne nous est pas interdit à étudier en nous ce que Montaigne appelait « la forme de l’humaine condition, » nous lui avons du quelques-uns de ces poèmes douloureux et subtils ou M. Sully-Prudhomme a si bien exprimé la complexité de l’âme contemporaine.

Ces œuvres si différentes ont d’ailleurs un second trait de commun,