Page:The universal anthology - vol. 19, 1899.djvu/36

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rang Flaubert, les y ont encouragés. Et si M. Sully-Prudhomme ou M. François Coppée ont échappé à la rigueur de la doctrine, c’est qu’ils ont subi, en même temps que l’influence de Leconte de Lisle, une autre, plus secrète, et non moins puissante influence, qui est celle de Charles Baudelaire et de ses Fleurs du Mal.

Les Fleurs du Mal avaient paru pour la première fois en 1857, mais, s’il y a des œuvres qui n’ont qu’à paraître pour exercer leur influence, il en est d’autres au contraire qui n’agissent, pour ainsi parler, qu’à distance. On en peut deviner comme exemples, dans l’histoire de la prose française de notre temps, La Chartreuse de Parme, de Stendhal, et, dans l’histoire de la poésie, Les Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire. C’est qu’au premier abord, et quoique cela nous semble aujourd’hui bizarre ou presque monstrueux, on y vit de la poésie « catholique, » à un moment ou la direction générale de la poésie retournait aux sources païennes. C’est qu’au moment où l’on était surtout préoccupé du raffinement de la forme, les vers de Baudelaire étaient d’une facture laborieuse, pénible, des vers de prosateur auxquels on aurait mis des rimes. Et enfin, c’est qu’au moment ou la poésie tendait à l’impersonnalité, l’inspiration de Baudelaire procédait évidemment de celle de Vigny, mais surtout de Sainte-Beuve, le Sainte-Beuve des Confessions de Joseph Delorme ; et elle n’en imitait pas seulement, elle en exagérait encore le caractère de singularité morbide. Mais tandis que la critique, pour ces raisons, méconnaissait ce qu’il y avait de plus neuf dans Baudelaire, la jeunesse, elle, au contraire, l’y savait découvrir et en subissait la fascination. Sous l’accent souvent déclamatoire et même un peu charlatanesque de sa plainte, elle reconnaissait la sincérité d’une souffrance purement intellectuelle, il est vrai, mais cependant réelle. Si, de toutes les suggestions des sens, les plus matérielles peut-être, et en même temps les plus diffuses, celles de l’odorat, sont aussi les plus évocatrices, on respirait dans Les Fleurs du Mal toute la gamme des parfums exotiques. On y trouvait encore la perception très subtile de ces «