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LÉA.

On ne peut espérer un acquittement que si le prévenu peut exciper de sa bonne foi, ce qui n’est malheureusement pas votre cas, et s’il établit qu’il croyait à la nullité de son premier mariage.

DOUBLET, attendri.

Elle est gentille !… Elle a travaillé gentiment sa bigamie avant de venir ici. Mais tout ce que vous dites je le sais aussi bien que vous. De nos jours le niveau intellectuel des criminels s’est élevé singulièrement. Un bigame, un escroc, un faussaire, connaît beaucoup mieux son crime qu’un avocat qui ne s’est pas spécialisé là dedans. Non, ce n’est pas pour avoir une consultation juridique que j’ai fait demander une avocate. Il m’a semblé que, dans cette affaire Doublet, il y avait un côté sentimental qu’une femme saisirait mieux.

LÉA.

Mais je ne suis pas sentimentale.

DOUBLET, attendri.

Elle a gentiment dit ça. Vous n’êtes pas sentimentale ? Mais qu’est-ce que vous en savez ? Est-ce que vous avez eu l’occasion de l’apprendre ? Pas encore. Quel âge avez-vous ?

LÉA.

Ce n’est pas la question. Occupons-nous de notre affaire.

DOUBLET.

Une jeune femme de vingt-quatre ans…

LÉA.

Vingt-deux.

DOUBLET.

Une jeune femme de vingt-deux ans ne peut pas dire