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Page:Theatre de Tristan Bernard 1.djvu/259

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FRANCINE.

Mais voyons, voyons ! Il a gagné six cent mille francs, et il ne peut pas nous en prêter dix mille !

ALAIN.

Es-tu sûre qu’il ait gagné six cent mille francs ? Les gens d’affaires font entre eux des affaires extraordinaires. Ils achètent très cher des choses — qu’ils ne paient pas, et les revendent encore plus cher à des gens qui ne les paient pas. Ils doivent toucher des fortunes, ils y comptent, et cette ferme espérance leur donne de l’assurance et de l’autorité.

FRANCINE.

Mais de quoi vivent-ils tous ? Qui paie leur loyer et leurs voitures ?

ALAIN.

De soi-disant petites commissions, dont quelques bonnes poires de province ou quelques fils de famille alimentent le marché. Ils vivent richement, au jour le jour. Il y en a qui ont des moments très durs, dans des appartements magnifiquement meublés. Ils ont de la vaisselle plate, mais ils y mangent parfois de la vache enragée.

FRANCINE.

Et voici comment se résume notre situation : les gens qui voudraient bien obliger n’ont pas d’argent ; quant à ceux qui ont de l’argent…

ALAIN.

Ils ne marchent pas. Ils ont, comme on dit, les pieds nickelés. Ils sont lourds à remuer, comme des tirelires pleines. Leurs pieds nickelés ne sont que de vains ornements tout à fait impropres à la marche.

FRANCINE.

… En attendant, nous voici encore au fond, tout au