Page:Theatre de Tristan Bernard 1.djvu/29

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pas d’Anglais, parce que notre conversation manquerait d’animation.

LA CAISSIÈRE, entrant.

Dites donc ! j’ai oublié de vous demander quelque chose d’assez important. Il y a des interprètes qui baragouinent plusieurs langues et qui savent à peine le français. Vous savez bien le français ?

EUGÈNE.

Parfaitement !

LA CAISSIÈRE.

C’est que, tout à l’heure, vous ne m’aviez pas répondu et, figurez-vous, j’avais peur que vous sachiez mal notre langue.

EUGÈNE.

Oh ! vous pouvez être tranquille. Je parle admirablement le français.

LA CAISSIÈRE.

Du reste nous n’avons pas beaucoup d’étrangers en ce moment. (Sonnerie.) Tiens ! le téléphone. (Elle va jusqu’à la table de droite. À l’appareil, après un silence.) On téléphone de Londres. (Eugène appuyé au comptoir ne bouge pas. Regagnant son comptoir.) Eh bien ! on téléphone de Londres ! On téléphone en anglais. Allez à l’appareil !

EUGÈNE va lentement à l’appareil et prend les récepteurs.

Allô !… (À lui-même, avec désespoir.) Ça y est ! des Anglais ! (Un silence.) Je n’y comprends rien, rien. (Dans l’appareil.) Yes ! Yes ! (Un silence ; il fait des gestes de détresse. D’un air désespéré, dans le téléphone.) Yes ! Yes !

LA CAISSIÈRE, de son bureau.

Qu’est-ce qu’ils disent ?

EUGÈNE.

Qu’est-ce qu’ils disent ? Des choses de bien peu d’intérêt.