Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cinquième veille, heure à laquelle Tong-Tching se retira. Cependant Hiuen-Té, pour se mettre (à tout hasard) à l’abri des pièges que Tsao pouvait lui tendre, se fixa tout à fait derrière ses appartements intérieurs, dans son jardin qu’il s’occupa à cultiver ; il l’arrosait lui-même, si bien que Yun-Tchang lui dit : « Frère aîné, vous ne prenez plus dégoût à tirer de l’arc, ni à monter à cheval [1], comme il conviendrait à un héros qui songe à l’Empire ; vous vous livrez à des occupations dignes d’un homme vulgaire ! »

« Ce qui m’occupe, vous l’ignorez, » reprit Hiuen-Té ! Son frère d’armes se mit à étudier le Tchun-Tsiéou de Kong-Fou-Tsé ; seulement il sortait quelquefois pour tirer de l’arc à cheval. Un jour que Tchang-Fey et lui se trouvaient absents, Hiuen-Té arrosait son potager, lorsque Hu-Tchu et Tchang-Liéou [2], suivis d’une dizaine de soldats entrèrent brusquement dans le jardin, en lui disant que son excellence Tsao-Tsao le mandait au plus vite en son hôtel. Que lui voulait le ministre qui l’appelait comme pour une affaire urgente : les officiers l’ignoraient ; son excellence les avait envoyés vers lui, ils n’en savaient pas davantage.

Hiuen-Té les suivit donc jusqu’à l’hôtel de Tsao, qui d’un visage sévère lui cria : « Vous nous faites-là de belles affaires ! » À ces mots Hiuen-Té avait changé de couleur ; Tsao lui prit la main, l’emmena dans le bosquet derrière l’hôtel, et lui dit : « Seigneur Hiuen, vous vous donnez bien du mal pour apprendre à jardiner ! » Cette question ramena le calme dans son esprit : « Je n’ai rien à faire, répondit-il ; c’est une façon d’occuper mes loisirs ! — Ah ! reprit Tsao, regardant en l’air avec un grand éclat de rire, l’an dernier, quand j’allais combattre le rebelle Tchang-Siéou, l’eau manqua sur la route et l’armée mourait de soif. J’eus recours à un stratagème ; là-bas, devant vous, m’écriai-je, il y a un bois de pruniers ; et je faisais signe avec mon fouet ; à ces mots, les soldats sentirent l’eau leur venir à la bouche, et leur

  1. Il vaut peut-être mieux entendre, à cause de ce qui suit : « Tirer de l’arc à cheval. » Le sixième précepte de l’Empereur Yong-Tcheng aux gens de guerre, recommande aux généraux de se rendre habiles à l’exercice de l’arc, tant à pied qu’à cheval. Mémoires sur les Chinois, vol. VII, page 31.
  2. Deux officiers de Tsao-Tsao.