Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/142

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« Depuis mon enfance, répondit Hiuen-Té, j’ai peur de la foudre ; c’est un sentiment que je ne puis vaincre ! » Tsao répliqua par un froid sourire, et jugea Hiuen-Té comme un homme incapable de former des entreprises hardies ! — Tout rusé, tout habile qu’il était, il venait d’être vaincu par son rival [1].

Quand la pluie d’orage eut cessé, on vit entrer brusquement deux hommes armés de leurs glaives : c’étaient les frères adoptifs de Hiuen-Té (Yun-Tchang et Tchang-Fèy). Ayant su, au retour de leur partie de tir à cheval, que Hiuen-Té avait été emmené par deux généraux du premier ministre, ils s’étaient précipitamment dirigés vers l’hôtel de ce dernier. Ils venaient d’apprendre que leur frère était dans le jardin, derrière le palais ; ils le croyaient en péril, et voila pourquoi ils avaient pénétré sans se faire annoncer, jusqu’auprès de lui. Quand ils virent Hiuen-Té paisiblement assis à table avec Tsao, ils s’arrêtèrent le sabre en main. — « Que voulez-vous ici, leur demanda Tsao ? — Nous avons appris, répondit Yun-Tchang, que votre excellence avait invité notre frère à un repas, et nous sommes venus tout [2] exprès pour jouer dû sabre, et animer le festin par cet exercice ! »

« Ce n’est point ici un festin comme on en célèbre aux portes de la capitale, répliqua dédaigneusement Tsao-Tsao, qui avait

  1. Si Hiuen-Té laissa tomber ses bâtonnets, ce ne fut point par frayeur, comme on le verra, mais pour provoquer le jugement que Tsao porta sur lui. A ce propos, l’édition in-18 dit : Comme Hiuen-Té trompa Tsao-Tsao ; aussi plus tard a-t-on écrit les vers que voici :

    « Contraint d’entrer dans la caverne du tigre qui l'y appelait, il sut aussitôt ? se faire petit ;
    » Par des paroles qui eussent trahi on esprit supérieur, il eut éveillé les soupçons du monstre mangeur d’hommes.
    » Saisissant le prétexte avec habileté, il se couvrit du voile de la peur, au bruit du tonnerre qui se faisait entendre.
    » Il se plia ans circonstances et se soumit aux vicissitudes, sincère (dans ses intentions) comme un génie immortel. »
  2. Voir sur les intermèdes, auxquels il est fait allusion ici, le tome VII de la Description de la Chine, page 378. Dans l’Inde, l’exercice du sabre fait encore partie des fêtes religieuses et particulières. Des bateleurs, par exemple, tiennent dans chaque main un sabre bien aiguisé dont ils se placent la pointe sur les yeux, et pirouettent ainsi jusqu’à perdre haleine.