Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/215

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échec, et les peuples en haleine. Sans nous fatiguer vainement, nous réduirons l’ennemi aux abois ; en moins de deux ans, le succès pour nous sera complet, et il ne nous aura pas coûté trop cher ! Aujourd’hui, si vous rejettez ce conseil, si vous voulez risquer la partie, peut-être serez-vous trompé dans vos espérances de victoire et vous éprouverez des regrets... qui ne serviront à rien ! »

Youen-Chaovoulait réfléchir encore ; il demanda donc à Hiuen-Té son avis sur la réponse de Tien-Fong. « Les hommes de lettres qui tiennent le pinceau n’aiment pas la guerre et ses périls, répondit Hiuen-Té ; c’est en restant assis du matin au soir devant une table qu’ils gagnent des appointements, et qu’ils vous feront manquer, seigneur, aux plus grands devoirs qui existent sur la terre (ceux au nom desquels vous iriez délivrer le souverain !) — Admirablement répondu, » s’écria Youen-Chao ; et il ne s’occupa plus qu’a rassembler ses troupes au plus vite. En vain Tien-Fong s’acharnait-il a combattre cette résolution : « Vous ne vous entendez qu’aux choses qui touchent les lettres, répliqua Youen-Chao avec colère ; vous jugez très imparfaitement les affaires militaires, et grâce à vous, je négligerais mes premiers devoirs ! Eh bien, reprit le mandarin en frappant la terre de son front, vous méprisez les excellents conseils que je vous donne ; faites défiler vos troupes, et vous serez vaincu ! »

Exaspéré par cette réponse, Youen-Chao lui eût abattu la tête, si Hiuen-Té ne l’avait retenu ; il se contenta de l’envoyer en prison[1], puis distribua dans tous les districts, en faisant un appel aux armes, une proclamation où se trouvaient énumérés tous les crimes de Tsao.

Le conseiller Tsou-Chéou, voyant Tien-Fong emprisonné, rassembla les membres de sa famille, et leur abandonna toutes ses richesses : « Je m’en vais a l’armée, leur dit-il avec tristesse ; si nous sommes victorieux, je ne puis manquer d’atteindre une plus

  1. L’éditeur de la version populaire était un lettré ; aussi dit-il en note : En n’écoutant point les avis de ce mandarin, Youen-Chao s’attira la honte d’une défaite. Était-ce en traitant ainsi les lettrés qu’il pouvait se montrer supérieur à Tsao.