Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/251

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passage en compagnie de l'officier. Arrivés au temple bouddhique, il mit pied à terre ; la, les bonzes, au nombre de trente environ, venaient à leur rencontre en frappant les cloches. Il se trouva parmi eux un vieillard[1], né au même village que Yun-Tchang, qui prit les devants pour lier conversation avec lui, car il connaissait les mauvais desseins de Pien-Hy. « Général, lui demanda-t-il, il y a longtemps, n'est-ce pas, que vous êtes sorti du hameau de Pou-Tong ? — Vingt ans bientôt, répliqua le héros ! — Connaissez-vous le pauvre religieux qui vous parle ? — Après une si longue séparation, ce serait difficile ! — Eh bien, la maison du pauvre religieux était tout à côté de la vôtre, sur le bord de la rivière.... »

Pien-Hy voyant le religieux en train de rappeler à Yun-Tchang d'anciens souvenirs, craignit qu'il ne lui dénonçât le piége  : « Je veux emmener mon hôte pour lui offrir un banquet, dit-il (en interrompant la conversation), vous avez assez parlé, vieux bonze ! — Non, reprit Yun-Tchang, non ; quand deux hommes d'un même village se retrouvent, il est si naturel qu'ils relient connaissance ! »

Le vieillard le pria d'accepter un repas dans sa cellule : « Je ne puis rien prendre, répondit-il, qu'après que les deux femmes de mon frère aîné, enfermées dans le chariot, auront reçu de vous quelque nourriture ! » Des aliments[2] maigres furent envoyés aux deux dames ; Yun-Tchang alors suivit son hôte dans sa petite chambre, et celui-ci le regardant d'un air significatif, serra entre ses doigts un grand couteau à hacher les herbes. Cet avis, Yun-Tchang le comprit à l'instant ; il appela les gens de sa suite

  1. Son nom de religion était Pou-Tsing-Tchang-Lao, le grand religieux de la pureté universelle.
  2. On sait que les religieux Bouddhistes ne mangent jamais de viande. A propos de la conversation du supérieur avec Yun-Tchang, l'édition in-18 dit en note  : Les gens des pays éloignés aiment à parler de la patrie avec des compatriotes ; les gens entrés dans la vie religieuse (littéralement : sortis de la maison) aiment à causer avec les gens du monde (littéralement  : les hommes du siècle) des choses de leur famille. Leur but est de savoir en détail les affaires les plus importantes, et cependant, ils ont l'air dans leurs paroles de questionner négligemment.