Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/27

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est acceptée par lui, très certainement il consentira à vous débarrasser de Hiuen-Té en le tuant. Tel est le vrai moyen de former entre lui et vous une alliance indissoluble. »

Ce jour-là même, Youen-Chu choisit Han-Yn pour négociateur de cette alliance, et il le fit partir pour Su-Tchéou avec de beaux présents. En quelques heures Han-Yn, arrivé à sa destination, se présenta devant Liu-Pou. Quand il lui eut fait part du projet qu’avait son maître de contracter avec lui une alliance pareille à celle qui unissait jadis les deux royaumes de Tsin et Tçin[1], Liu-Pou reçut tout d’abord les présents ; puis il alla vers sa femme pour conférer avec elle. « J’ai entendu dire, répliqua celle-ci dès qu’elle eut appris les projets de mariage, que ces Youen sont depuis bien longtemps établis dans le Hoay-Nan où ils possèdent des fiefs. Ils y perçoivent de gros revenus en argent et en vivres ; un jour Youen-Chu sera empereur ! si vous menez à bien cette grande affaire, notre fille a la perspective de devenir mère d’un prince régnant. Il nous reste à savoir combien il a de fils. — Un seul, rien qu’un, dit Liu-Pou ! — Et vous hésiteriez un instant ?… Si notre fille n’est pas impératrice, à tout le moins, nous serons solidement établis dans cette province de Su-Tchéou ! »

Dès-lors, la décision de Liu-Pou étant arrêtée, il invita Han-Yn à un banquet, dans lequel l’importante question du mariage fut réglée. Le négociateur s’en alla chercher les présents de noces qu’il apporta dans le palais de Liu-Pou, et celui-ci le festoya avec égards pour répondre à ses politesses : après le banquet, il l’installa dans l’hôtel des Postes, comme un hôte de distinction[2]. Dès le lendemain, le conseiller Tchin-Kong[3], instruit de l’arrivée de cet émissaire, alla le trouver dans le

  1. Cette alliance se fit la neuvième année du règne de Tchwang-Kong, roi de Lou (563 avant J.-C.), dans la ville de Hy ; voir Tso-Kéou-Ming, K.V, p. 13.
  2. Ces mots : comme un hôte de distinction, ne sont pas dans le texte, mais ils sont compris dans l’idée de l’écrivain chinois, l’hôtel des Postes étant d’ordinaire affecté pour logement aux grands mandarins, aux inspecteurs, à tous les fonctionnaires qui voyagent.
  3. Voir vol. Ier, pages 78 et 191.