Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/272

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deux femmes de Hiuen-Té que le peuple reçut à genoux, avec de grandes manifestations de douleur, et dont le cœur était brisé. Tchang-Fey voulut apprendre d’elles toutes les circonstances de leur séjour à la capitale et de leur voyage ; quand il connut la belle conduite de son frère Yun-Tchang, il ne put retenir ses sanglots et racheta par de nouveaux égards ses premières duretés envers celui-ci[1].

Après ces conversations dans lesquelles tous les événements furent expliqués, Tchang-Fey fit tuer des moutons et des porcs pour célébrer la bienvenue des nouveaux arrivés[2] : « Hélas ! dit Yun-Tchang, tant que notre frère aîné n’est pas avec nous, ce vin, cette bonne chère, me restent sur le cœur. — Il n’y a pas loin d’ici à Jou-Nan, interrompit Sun-Kien, demain, si vous le voulez, nons irons l’y rejoindre ? » Et le lendemain, laissant leur monde dans la ville, à l’exception d’une dizaine de cavaliers qu’ils emmenèrent, les deux guerriers se mirent en route. Arrivés devant Jou-Nan[3], ils demandèrent à Liéou-Py et à son collègue Kong-Tou des nouvelles de leur maître. Ceux-ci répondirent qu’après être resté quelque temps avec eux, Hiuen-Té, voyant trop peu de soldats autour de lui, s’était décidé trois jours auparavant à retourner dans les provinces du nord pour y former de nouveaux plans. Cette nouvelle contraria beaucoup Yun-Tchang, et Sun--

  1. Ignorant sa belle conduite, dit en note l’édition in-18, il s’irrita et voulut le tuer ; instruit de ce qui s’était passé, il éclata en sanglots et se prosterna devant lui ; héros chez qui l’ardeur martiale et la persévérance brillaient au même degré.
  2. Il ne faut pas oublier que le peuple chinois ne se nourrit guère que de végétaux, la viande étant fort rare dans le céleste Empire ; tuer des porcs et des moutons, c’est faire un grand festin.
  3. Jou-Nan désigne ici la province et le chef-lieu. L’édition in-18 dit en note  : Quand l’un était dans le Jou-Nan, l’autre se trouvait au nord du fleuve ; quand celui-ci passa dans le Jou-Nan, celui-là se trouva à son tour au nord du fleuve ; il y a un poète ancien qui a dit :

    « Les hommes dans la vie ont bien de la peine à se rencontrer ;
    » Ils s’agitent sur un même point comme la multitude sur le marché,
    » Et se dispersent pour chercher de nouveau la foule ! »

    S’il en est ainsi, peut-on s’étonner de ce qu’ils ne se rencontrent pas !