Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/342

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Revenu a son camp, le héros se réjouit d’une victoire si importante ; dès que ses espions lui ont appris que le premier ministre s’est retiré à plus de six milles, il assemble ses généraux et leur dit : « Quel heureux hasard que nous ayons tout à coup humilié l’orgueil et l’audace de Tsao ! — Gardons-nous de le prendre sur ce ton, interrompit Tchang-Yun ; Tsao a dans la tête bien de mauvaises ruses[1] ; j’en ai peur, et j’en suis sûr, il médite quelque stratagème. — Oh ! dit Hiuen-Té, s’il a battu en retraite, c’est qu’il craint et ne veut pas se battre. » Là-dessus il envoya Tsé-Long provoquer au combat le rusé ministre qui, pendant plusieurs jours, refusa de laisser sortir ses troupes. Il résista également aux provocations de Tchang-Fey, que Hiuen-Té détachait aussi vers lui pour le forcer à livrer bataille.

Hiuen-Té ne savait trop quoi faire, ni quoi penser ; tout à coup on lui annonce que les troupes de Tsao-Tsao arrêtent au passage les vivres et les fourrages conduits par Kong-Tou. Bien vite il charge Tchang-Fey de voler au secours du convoi ; mais un courrier lui apprend au même instant que Tchang-Liéao, avec ses troupes, menace la province de Jou-Nan qui protégeait ses derrières : « Ah ! s’écria-t-il alors, ce qu’avait prévu Tchang-Yun s’est réalisé ! Pendant que je retenais ici mon armée à rien faire, Tsao a envoyé son lieutenant enlever l’asile où se trouvent nos femmes et nos enfants ; courons, volons à leur secours ! » Et il charge Tchang-Yun de cette mission.

Les deux divisions étaient en marche ; avant la fin du jour, on avertit Hiuen-Té que le Jou-Nan, abandonné par Liéou-Py, forcé de fuir, venait de tomber au pouvoir de Tchang-Liéao ; Tchang-Yun se trouvait donc arrêté dans sa marche. Il en était de même de Tchang-Fey que Hiuen-Té, dans son trouble, avait envoyé secourir le général Kong-Tou. La crainte d’attirer sur ses pas l’armée du premier ministre, empêcha Hiuen-Té de se mettre lui-même en mouvement ; il pouvait tenter un coup de

  1. Tchang-Yun connaissait Tsao mieux que personne, lui qui avait eu tant de mal à lui échapper ; voir plus haut, tout le chap. II du livre VI. Tchang-Yun et Kouan-Yu, on ne l’a pas oublié, sont les deux noms d’un même personnage.