Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/353

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Chen-Pey et Fong-Ky[1], afin de régler avec eux le choix de l’héritier à la couronne. Youen-Chao fit un signe avec la main ; Chen-Pey s’approcha de son lit, se disposant à écrire ses dernières volontés. — « Youen-Chang, demanda la mère ambitieuse, doit-il vous succéder sur le trône ? » Le vieux prince agita sa tête d’une façon affirmative, comme pour dire qu’il fallait écrire cette décision sur son testament, puis il se retourna, poussa un grand cri, vomit beaucoup de sang et expira. — Il mourut le cinquième mois, à l’été, de la septième année Kien-Ngan. — Dans la suite, on a écrit sur lui les vers que voici :

Depuis une longue série de siècles, ses ancêtres avaient illustré son nom ;
Dans sa jeunesse, il eut de l’ardeur et sa renommée traversa l’Empire.
Mais vainement il appela à lui tant d’hommes supérieurs par leurs talents ;
Les soldats héroïques qu’il comptait par cent mille ne lui servirent à rien.
La brebis sous la peau du tigre n’a pas plus de valeur ;
La poule parée de la queue du phénix ne peut réussir à de grands projets.
Hélas ! il laissa derrière lui des germes de discorde,
Et dans cette famille, les malheurs arrivèrent par la mésintelligence des frères[2] ! »

La veuve Liéou-Ssé s’occupa des premières cérémonies du deuil. Avant que le corps de son époux fut descendu dans la tombe, elle eut soin de faire mettre à mort les cinq femmes qu’il avait préférées, et craignant que les ames de ses favorites ne se réunissent de nouveau à celle de leur maître, elle ne les enterra qu’après leur avoir arraché les cheveux, lacéré le visage et mutilé tout le corps[3]. De son côté, Youen-Chang, redoutant les embûches

  1. Voir plus haut, page 316 ; ils étaient les lieutenants et les partisans dévoués de Youen-Chang son fils. L’histoire admet que Youen-Chao mourut sans avoir désigné son successeur.
  2. Ces vers sont empruntés à l’édition in-18.
  3. Voilà jusqu’où elle poussa l’envie et la méchanceté, dit l’éditeur du texte in-18 ; puis il ajoute en note : S’attaquer dans sa jalousie aux mânes des morts, voilà qui est extraordinaire ! Jalouse de ses rivales pendant leur vie, elle veut leur mort ; puis jalouse d’elles même après leur mort, comment ne les poursuivrait-elle pas au-delà de l’existence ? Tant que nous sommes sur la terre, nous agissons comme des hommes ; une fois morts, nous ne pouvons plus faire d’actions méritoires ; nous sommes à l’état de mânes, nous n’agissons plus. Mais arrivés à cet état de mânes, nous avons un genre d’actions particulier ; et c’est contre cette influence des mânes qu’il est bon de