Page:Theodore Pavie - Histoire des trois royaumes vol 2, Duprat, 1851.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec les hommes des sentiments plus élevés ; vous agissez dans des vues sincères, sans chercher une renommée qui serait vaine. Économe dans les petites circonstances, vous n’épargnez rien quand il s’agit de récompenser le mérite. Aussi les héros au cœur droit, ceux qui voient loin, ceux qui ont un vrai talent, demandent tous à servir sous vos ordres. Vous l’emportez par la vertu[1].

» 7° Si Youen-Chao voyait des hommes mourir de faim et de froid, la compassion se peindrait sur son visage ; mais les misères dont il n’est pas témoin ne le touchent guère ; c’est ce qu’on appelle avoir de l’humanité à la manière des femmes ! Vous, seigneur, loin de prendre à cœur la plus petite chose qui se passe devant vos yeux, vous vous élevez jusqu’aux grandes affaires de tout l’Empire. Vos bienfaits s’étendent au-delà de la portée des regards ; des misères qui se dérobent à votre vue, il n’y en a aucune que vous ne soulagiez. Vous l’emportez en humanité.

» 8° Youen-Chao a autour de lui des mandarins qui se disputent le pouvoir ; par des calomnies et des médisances, ils troublent le jugement de leur maître. Vous, seigneur, habile a maintenir vos inférieurs dans la droite voie, vous ne vous laissez point conduire par des paroles de médisance et de calomnie. Vous l’emportez en clairvoyance.

» 9° Youen-Chao ne sait point faire la différence du bien et du mal ; vous, seigneur, vous savez honorer selon les rites ce qui est bien et punir selon les lois ce qui est mal. Vous l’emportez dans la science des livres anciens[2].

» 10° Youen-Chao se plaît à étaler une vaine puissance ; il

  1. Le mot , vertu, signifie aussi talent, capacité, qualités utiles à celui qui les possède autant qu’au reste des hommes. Rien n’est plus difficile que de traduire exactement les idées philosophiques des Chinois.
  2. Littéralement : par les talents civils, par opposition à ce qui suit. L’édition in-18 simplifie parfois le texte plus étendu que nous suivons ici ; elle fait suivre chaque paraphrase de notes tendant à prouver que Tsao ne mérite aucun de ces éloges. Cette réduction, moins classique, est empreinte d’un esprit critique assez curieux à observer : une grande animosité contre Tsao, ministre trop puissant, usurpateur de l’autorité impériale, sinon du trône des Han, s’y trahit à chaque page.