Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/105

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— Tout droit de Perpignan, répondit Ramon Olavidé en se laissant choir dans l’unique fauteuil de l’abbé ; j’y suis arrivé avec les débris de l’armée de Cabrera… À Paris, j’ai su que vous étiez ici, seňor vicario, et j’ai voulu revoir une dernière fois le seul ami qui nie reste.

Niño mio ! reprit le prêtre en le couvant des yeux, tu as bien fait… Mais tu as l’air rompu de fatigue… Attends ! attends !

Il alla dénicher dans une armoire une bouteille d’alicante, don pieux d’une dévote, posa deux verres et quelques biscuits sur la table, qu’il plaça entre lui et le jeune prêtre ; puis, remplissant les verres, il leva le sien en s’exclamant d’une voix chaude, avec une exaltation de fanatique :

Viva Carlos quinto ! viva la religion !

À quoi le señor Ramon Olavidé répondit par un sourire découragé ; puis, ayant trempé avidement ses lèvres dans le vin de son pays, il reposa son verre en poussant un soupir.

— Je vois, continua don Palomino en appliquant sa main sur la manche de son compatriote, je vois que tu as été de mon avis… Tu as pensé qu’un loyal Andalous doit faire son devoir coûte que coûte et que la robe du prêtre n’est