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la vallée de l’Aube, il expliquait les avantages de cette combinaison à M. Yvert, le garde général des forêts, avec lequel il prenait ses repas à l’unique auberge d’Auberive.

— Ils vont arriver, disait-il avec un naïf orgueil professionnel ; avant un quart d’heure ils seront ici… Ils viennent de Cl… à pied, sous l’escorte de leurs gardiens, et vous verrez comme les gaillards manœuvrent au doigt et à l’œil !… Ils sont charmants… et heureux !

Un sourire aimable entr’ouvrait ses lèvres minces et coupées par une balafre, tandis qu’il fouettait les chardons du revers de son rotin à pomme d’ivoire.

Peu de temps après, dans la direction du village de Bay, la route poudroya au soleil couchant. Le directeur se fit un abat-jour de sa large main, aux doigts carrés et noueux, puis s’écria, triomphant :

— Les voici !

Il ne se trompait pas. On les aperçut bientôt, émergeant d’un nuage de poussière. Ils marchaient quatre par quatre, les aînés en tête, les petits à la queue, et les gardiens en serre-files. Entre les buissons verdoyants de la route, cette