Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/113

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lement, où la toile du grand peintre semblait seule éclairée par une divine lumière. En esprit je m’identifiais avec le saint, je vivais sa vie dans l’austère cellule où sa foi robuste s’épanouissait, pareille à ces lis que l’artiste a fait fleurir dans un coin du tableau. Comme lui, ébloui et prosterné, je tendais les bras vers cette glorieuse lumière autour de laquelle des anges formaient un nimbe vivant, et il me semblait que l’Enfant-Jésus souriant descendait aussi vers moi, de nuée en nuée, attiré par la force de mes prières… Encore étourdi de ce ravissement céleste je sortais par la porte du Pardon, et, longeant la place del Triunfo, je regardais avec des yeux enthousiastes la tour svelte et aérienne de la Giralda monter dans un ciel d’un bleu immaculé, au-dessus de l’enchevêtrement touffu des campaniles, des arcs-boutants, des créneaux et des galeries dentelées de l’immense cathédrale. — Lorsque, redescendu de cette idéale envolée en plein azur mystique, je me retrouvais sur terre et sur le chemin de mon quartier, j’étais étonné et presque choqué de la gaîté bruyante des rues que je traversais. La calte Dados, avec ses boutiques grouillantes d’acheteurs, les étoffes aux cou-