Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/198

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mandait de ses nouvelles : — Trémereuc ! répondait-on, fini, embourgeoisé, enlisé, un homme à la mer ! — Et on parlait d’autre chose.

Or, voici ce qui était arrivé :

Un après-midi de septembre, Jean Trémereuc descendait de Morgrève à Saint-Briac, à travers les pâtis de Lancieux. Il faisait un joli temps d’automne : un ciel d’un blanc moelleux entrecoupé de trouées d’azur, point ou peu de soleil et une légère brise marine qui apportait des odeurs de varech. La mer, qui s’était retirée très loin, laissait à nu de longues plaines de sable d’un jaune pâle, semées de rochers bruns, au-delà desquels on la voyait s’étendre, laiteuse, avec, çà et la, des tâches d’un vert délicieusement attendri. Tout était calme, voilé, assoupi et comme lavé de teintes fraîches d’une exquise finesse, depuis le bleu promontoire du cap Fréhel, à gauche, jusqu’aux bastions de Saint-Malo, à droite, et à la pointe lilas clair de Rothiéneuf. — Au moment où il contournait le sentier pierreux qui mène à la Croix-des-Marins, Jean rencontra une fille de dix-huit ans, qui remontait de la grève, où elle venait de pêcher des lançons. Elle était coiffée d’un mouchoir d’in-