Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/236

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naire, il se produisit en moi une mue morale bien caractérisée. Je prenais des airs sérieux ; les joueries de mon enfance ne me satisfaisaient plus ; même les livres d’images, qui m’avaient tant de fois mis les yeux et l’esprit en fête, me paraissaient monotones comme un vieux chemin trop souvent parcouru. Je commençais ma quatrième, je traduisais les Bucoliques de Virgile, et je m’intéressais d’une façon très particulière aux Amarillys et aux Galathées que chantait le poète. Entre les lignes noires de mon livre, je voyais glisser leurs formes féminines, « plus douces que le thym, plus blanches que les cygnes. » Je devenais rêveur : certains vers me remuaient tout le corps d’un frisson mystérieux, et me donnaient le pressentiment de je ne sais quelles tendresses inconnues.

De mes prédilections enfantines, je n’avais gardé qu’un goût très vif pour le logis d’une vieille voisine, chez laquelle j’avais été élevé et où je passais toutes mes heures de liberté. La maison a disparu pour faire place à une bâtisse neuve, mais je la vois encore dans ses moindres détails. — Elle était précédée d’une de ces vastes remises, où les vignerons de mon pays