Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/258

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apercevoir. Froissée dans sa vanité, furieuse d’avoir été dédaignée, elle nous dénonça à mon père qui n’était pas tendre. Il y eut un éclat ; quand Joseph vint tout avouer et demander ma main, mes parents le congédièrent durement, en lui défendant de remettre les pieds à la maison. J’eus beau pleurer et supplier, rien n’attendrit mon père, qui était monté secrètement contre moi par Lénette, et Joseph désespéré s’éloigna après m’avoir écrit la lettre que tu as lue.

Mademoiselle Sophie resta un moment silencieuse, tenant dans ses mains tremblantes le volume des Lettres Persanes, ouvert à l’endroit où l’oreille d’ours avait été posée.

— Il avait juré de ne pas survivre au désastre de notre amour, et il a tenu parole. Il était ardent royaliste et entretenait des relations avec des agents du comte d’Artois. En octobre 1793, il fut arrêté au moment où il franchissait la frontière suisse, ramené à Paris et traduit devant le tribunal révolutionnaire. J’appris sa mort par une gazette que Lénette laissa traîner avec intention dans ma chambre…

Mademoiselle Sophie avait rouvert le coffret ; elle détacha la faveur bleue et me tendit deux