Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/46

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Elle traversa le ruisseau en sautant adroitement sur de grosses pierres et chemina à travers les stères de rondins empilés, jusqu’à un pli de terrain derrière lequel se trouvait le chantier.

L’installation des sabotiers se composait d’une large hutte conique, recouverte de terre moussue, et d’une loge au toit de ramilles, où les grosses de sabots confectionnés reposaient sous un lit de copeaux. L’atelier proprement dit était en plein air, et, au moment où Norme y arriva, le père Vincart, à cheval sur son billot, ébauchait à l’aide de son erminette une couple de sabots dans une tronce de hêtre. Sa chemise o uverte laissait entrevoir sa poitrine hâlée, velue et grisonnante. C’était un petit homme voûté, approchant de la cinquantaine, très vif, le nez en l’air, la bouche gourmande, l’œil rieur et humide.

Au bruit du pas de Norine, il releva la tête et accueillit sa fille par un sourire narquois qui plissa de petites rides autour de ses yeux.

— Hé ! dit-il, ma gachette, sans reproche, vous avez mis du temps à finir votre déjeuner.

La jeune fille prit sa mine la plus sérieuse et répliqua d’un ton d’enfant gâtée :