Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/55

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Donc, en ce moment, Bigarreau trempait avec délices ses pieds dans le courant de la Fontenelle, et en même temps son être entier nageait dans une félicité plus rafraîchissante que l’eau de la source.

— Eh bien ! Claude, dit Norine en le regardant en dessous, est-ce la chaleur qui vous ôte la parole ? Vous êtes muet comme un poisson.

— Ce n’est pas la chaleur, répondit-il, c’est le contentement. Il me semble que je rêve et j’ai peur de me réveiller. Des fois, quand je dormais dans mon hamac, à la centrale, il m’arrivait de rêver que j’étais libre ; puis, me réveillant à moitié, je m’apercevais que ce n’était qu’un rêve et j’essayais de me rendormir pour le faire durer… À cette heure, c’est la même chose : je n’ose pas bouger, de peur de voir tout d’un coup la Fontenelle, le chantier et vous-même, Norine, disparaître comme une fumée, et de me retrouver sous la griffe du gardien-chef.

— Il ne tient qu’à vous que cela dure… Le père est satisfait et il assure que vous avez tout ce qu’il faut pour devenir habile dans notre métier… Il vous gardera de bon cœur… à moins,