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Page:Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/297

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fourneaux. Ma femme ne dit pas un mot de reproche… Non !… Mais quel dédain dans son silence et ses grands airs résignés ! J’étais coulé dans son esprit. Cela m’humiliait, monsieur, et plus j’allais, plus je me sentais poussé à bout.

Il regarda son hôte, qui l’écoutait avec un mélange d’embarras et d’étonnement : — Je vous ennuie ? demanda-t-il d’un ton acerbe.

— Non, non, dit Gérard, au contraire !

— Au fait, poursuivit le verrier en ricanant, on a toujours du plaisir à entendre parler du malheur des autres, et on n’est pas fâché de savoir comment les camarades ont roulé au fond du fossé… Moi, j’y suis resté, les genoux dans la vase !…

Il ralluma sa pipe, et, se renversant sur sa chaise, la tête environnée de fumée, il recommença à parler de sa femme. Il mettait à décrire son caractère une animation violente, une sorte d’éloquence sauvage. Il peignait son obstination, sa réserve, son irritante fierté.— Elle n’était pas jolie, reprit-il, mais elle avait je ne sais quoi d’attirant qui vous mettait le diable au corps… Ses grands airs vous tournaient la tête comme les odeurs de certaines herbes… Je vous conte toutes ces choses pour arriver à l’événement qui nous sépara… Un soir, je revenais