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Page:Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/324

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cet amour sans lendemain sera la fête éternelle de mon cœur, et si j’ai en moi les joies du paradis, que m’importent les vulgaires ennuis au milieu desquels s’usera ma vie ! — Elle était arrivée à ce degré d’exaltation où les dévouements absolus semblent naturels et faciles. La passion a de ces élans qui rompent les attaches matérielles de l’esprit et l’emportent vers les hautes cimes de l’idée pure ; mais l’idéale volée est courte, la pesanteur humaine reprend ses droits, l’esprit retombe et se réveille de son rêve aux frémissements de la chaîne qui le tire vers la terre…

— Venez, lui dit l’huissier en reparaissant sur le seuil ; il est couché et il souffre le martyre, mais il veut vous voir tout de suite.— Elle se laissa guider dans l’obscurité vers la chambre délabrée qu’éclairait un lumignon fumeux, et où M. du Tremble gisait sur son lit. Il était en proie à un accès de rhumatisme goutteux, et comme il ne savait pas supporter la douleur, il geignait comme un enfant et jurait affreusement.

À peine leurs regards se furent-ils rencontrés que Véronique, effrayée par cette figure amaigrie et crispée, se recula instinctivement.

— Oui, murmura le verrier d’une voix plaintive,