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Page:Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/97

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au dehors de l’atelier, l’image de Gertrude était toujours présente. Elle se glissait avec les rayons lumineux sous les ramures de la futaie ; elle dansait à la lueur des étoiles dans les vapeurs argentées qui s’élevaient du ruisseau ; elle peuplait les recoins sombres du bâtiment, et quand Xavier sculptait dans un panneau une tête de nymphe ou de déesse, c’était toujours le visage de Gertrude aux cheveux crépelés qui souriait au milieu des entrelacs et des guirlandes. Les lettres de la jeune fille arrivaient tous les lundis et mettaient l’atelier en fête. Après avoir lu les huit pages d’écriture serrée, Xavier les cachait dans sa poitrine et travaillait ferme jusqu’au soir ; puis, à l’heure du soleil couchant, il allait s’asseoir sur le seuil de sa porte et relisait lentement les pages où Gertrude lui racontait sa vie et ses pensées de chaque jour. Le soleil s’enfonçait derrière les bois des Hauts-Bâtis, la vallée était coupée de grandes ombres bleuâtres et le silence du soir s’y faisait peu à peu. On n’entendait plus que le susurrement du ruisseau et la chanson des rainettes au long des talus de la Biesme. C’était l’heure des châteaux en Espagne. Xavier se figurait Gertrude installée à Lachalade ; il bâtissait en face de l’atelier un chalet en bois de sapin avec sa galerie extérieure et sa