Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
sante. Le romantisme a été une révolution faite par les jeunes. Nous parlons aujourd’hui couramment des jeunes, de la place et du rôle des jeunes, du droit et du devoir des jeunes en ce qui concerne le renouvellement des valeurs littéraires. Or, cette coupure entre la génération qui monte et la génération en place, entre le goût d’hier et le goût de demain, n’existait presque pas dans la littérature classique. On ne la voit paraître qu’exceptionnellement, au temps de ce qu’on appelle la génération de 1661. Depuis le romantisme elle est liée profondément au rythme de la vie littéraire. Les jeunes gens ont leurs auteurs, parfois inintelligibles à la génération précédente, comme il arrivait, selon des missionnaires, dans ces langues de l’Amérique indienne, dont l’évolution était si rapide que les vieillards ne comprenaient plus ce que disaient les jeunes gens.
5° Le Roman.
Considérons ensuite que dans romantisme il y a roman, que l’avènement du romantisme a coïncidé avec la prédominance extraordinaire d’un genre qui a semblé parfois devoir absorber les autres. Le romantisme, c’est la révolution littéraire moins par le lyrisme et par le théâtre que par le roman. Il n’y a pas de grand écrivain, de grand poète romantique qui ne se soit cru obligé de sacrifier à la divinité nouvelle, qui n’ait voulu obtenir par elle les grands succès de public. Vigny, Hugo, Musset, Lamartine ont écrit des romans, sans en avoir la vocation profonde et parce que l’élan même de l’époque romantique l’exigeait. Pour le romantisme le succès n’a été complet, la voie n’a été libre que dans deux genres littéraires, la poésie lyrique et le roman. Le public des romantiques s’est d’ailleurs habitué à demander au roman le même genre d’émotion et d’indications qu’à la poésie lyrique, c’est-à-dire à le comprendre et à le sentir comme une confession personnelle de l’auteur : c’est le cas de la Confession d’un Enfant du Siècle, de Volupté, de Stello, de Raphaël. Ce roman-confession du romantisme remonte visiblement à Rousseau et l’on sait quelle nombreuse postérité il conserve aujourd’hui.
6° Littérature personnelle.
Enfin, c’est un lieu commun que de reconnaître dans le romantisme, issu de Rousseau, le règne de la littérature person-