Si Dumas faisait mal le vers, il fit dans la Tour de Nesle, supérieurement la prose. Weiss a eu le courage de dire que dans la Tour de Nesle il y a un style, « un style trouvé ». Il faudrait modifier la définition de Buffon. Le style de théâtre est ici le mouvement que les actes mettent dans les paroles et les paroles dans les actes. Il a l’éclat, le mouvement, la rapidité de l’épée. Il lui est arrivé ce qui est arrivé au songe d’Athalie ou au récit de Théramène, mangés par le cliché et la parodie, dont il faut les nettoyer pour les admirer. Un connaisseur de style encore supérieur à Weiss ne s’y est pas trompé. C’est Victor Hugo. La Tour de Nesle a appris à Hugo qu’on pouvait faire du drame en une prose qui valait les vers, et la Tour de Nesle de 1832 lui inspira Lucrèce Borgia de 1833, sans compter Marie Tudor, autre très grande dame.
Antony a créé en effet cette réalité dramatique simple et souple qui s’appelle la pièce, la pièce moderne en prose, qui deviendra vingt ans après, avec la génération qui succèdera, la langue moyenne et définitive du théâtre. Antony pourrait s’appeler la pièce des deux Dumas, et c’est dans le théâtre du fils bien plus que dans celui du père qu’elle s’est continuée. D’ailleurs Dumas n’en présente pas seulement dans son drame la pratique, mais aussi la théorie. Il a osé avec succès, dans le IVe acte, lier, comme Modère dans le Misanthrope, des scènes de discussion littéraire à l’action, les faire comme Molière