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III
LA LITTÉRATURE RÉVOLUTIONNAIRE

La Révolution a écrasé, renversé ou dispersé la génération littéraire de 1789. Une invention et une création extraordinaires, dans l'ordre de l'action, ont pour rançon littéraire la disparition du goût, l'indigence des formes, la stérilité du théâtre et du livre.

Débauche de littérature
populaire
.
Le XVIIIe siècle, tout en maintenant, et en perfectionnant sur bien des points, une littérature pour les gens de goût, pour les citoyens et les hôtes de la République des Lettres, avait créé ou suggéré une littérature populaire, même populiste, avec les romans de Restif de la Bretonne, le drame (et les théories) de Sébastien Mercier. En dévastant, exilant ou muselant la République des Lettres, la République Française ouvrit un cours plus large à cette littérature populaire. La République des Lettres devient une démocratie des lettres : le peuple chante, le peuple lit, le peuple écoute. Et cela aurait pu donner des résultats. Malheureusement les habitudes séculaires de la littérature française étaient prises, la transition manqua, et si le romantisme allait plus tard en bénéficier, le résultat, pendant la période révolutionnaire, fut nul.
Chant.
Le peuple chante, et la vraie poésie révolutionnaire est en effet, ou aurait dû être, de la poésie chantée, telle que l'appelaient les fêtes populaires. Le Chant du Départ, de Marie-Joseph Chénier, pas trop indigne de la noble musique de Méhul, est le plus beau de ces hymnes révolutionnaires. Le vol sublime de la Marseillaise traîne malheureusement après lui des paroles ineptes. Ne parlons pas de la Carmagnole et du Ça ira.